Le faible développement des pertinents matériaux biogéosourcés

Les matériaux biogéosourcés locaux ont de nombreuses qualités : capacité à stocker du carbone, respect du bâti ancien, circuit-court, qualité de l’air et confort d’été améliorés. L’Union européenne, la France, les associations multiplient les plans, normes, et règles pour le développement des matériaux biogéosourcés. La récente Réglementation Énergétique RE2020 (2022) cherche ainsi à « diminuer l’impact carbone de la construction » par l’évaluation de son empreinte carbone, qui pourraient permettre un « recours plus fréquent au bois et aux matériaux biosourcés, qui stockent le carbone ». Elle ne s’applique néanmoins pas à la rénovation énergétique, pourtant prioritaire et en contradiction avec les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC, 2019). La part des biosourcés reste ainsi relativement faible en rénovation.

Pourtant, les matériaux de 2nd oeuvre biogéosourcés constituent des puits de carbone, alors que le 2nd œuvre et les finitions constituent une part importante de l’impact carbone des rénovations énergétique. De plus, le 2ème plan d’action « Matériaux et produits de construction biosourcés » (2014) remarque que « le comportement hygrothermique de ces matériaux constitue un véritable avantage [...] pour la réhabilitation du bâti ancien », patrimoine qui constitue environ 1/3 du parc de logement français (dont 61,2 % de maisons) et qui est considéré comme particulièrement énergivore, alors qu’un rapport de la Cour des comptes sur la politique patrimoniale de l’État (2022) critique « l’absence d’une doctrine claire de l’État articulant protection du patrimoine et transition écologique ». Par ailleurs, les Règles professionnelles de la Construction Paille (RFCP) permettent des circuits-très courts, directement du champs au chantier, en phase avec l’ambition de la SNBC de « soutenir […] les circuits courts de manière à parvenir à un découplage entre croissance du trafic de fret et PIB ». En outre, le 1er plan d’action « Matériaux et produits de construction biosourcés » (2010) souligne que le «  fonctionnement thermique et hygrothermique […] ces technologies sont en mesure d’apporter des réponses à des exigences telles que la performance énergétique, le confort d’été, la qualité de l’air intérieur », alors que les canicules se multiplient et que la mauvaise qualité de l’air intérieure causerait selon l’ANSES 20 000 décès par an.

Ainsi, le lent développement de l’usage des biogéosourcés semble paradoxal au regard de la pertinence actuelle de leurs propriétés. Si la filière bois est ancienne et bien organisée, les filières biosourcées et géosourcées sont plus récentes et bousculent les normes de rénovation énergétique actuelles (impact carbone du 2nd œuvre et des finitions, respect du bâti ancien, circuit-court, prise en compte de la qualité de l’air et du confort d’été).

Le tableau ci-dessous entreprend ainsi de recencer les différents dispositifs juridiques (normes, règles, lois, labels) qui visent au développement de l'usage des matériaux biogéosourcés. Ils rapportent leurs différents objectifs, quantitatifs quand il y en a, mais surtout qualitatifs : types de matériaux, construction neuve ou rénovation, encouragement des circuits-courts, mise en avant de la compatibilité avec le bâti ancien, référence à l'amélioration de la qualité de l'air et du confort d'été. En creux se dessinent les contours des débats qui traversent les filières biogéosourcés : simples produits de remplacement des matériaux pétrosourcés, à base de biomasse adjuvantée et industrialisée, ou matières vivantes aux performances liées aux savoir-faire des artisans et aux propriétés intrinsèques des matières ?

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